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dimanche 10 septembre 2023

Voyage en Inde du Sud - Découverte de l'ONG Kudumbam (Emmaüs International) - Partie 2

Découverte de la ferme écologique de Kolunji et de son centre de formation.

La ferme de Kolunji est située en milieu rural, à environs 40 Kms au sud de Trichy, dans le Tamil Nadu.

Cette ferme, propriété de l'ONG Kudumbam, est un lieu d'expérimentation et de formation depuis sa création au début des années 1990.

Etendue sur 15 hectares, elle est constituée d'une place centrale entourée de bâtiments (destinés à l'accueil et l'hébergement des formateurs, des personnes en formation, des hommes et surtout des femmes).

On peut aller vers les terres cultivées de la ferme par un chemin qui fait le tour des 15 hectares qui la composent.

Panneau de signalisation à l'entrée de la ferme. Oswald, dirigeant de Kudumbam,
 et Ramadass, coordinateur technique vont me faire la visite.

Bâtiment sur la place centrale abritant une salle de réception.

Un monument, situé au milieu de la place, rappelle bien que nous sommes dans la ferme de Kolunji.

A droite de la place, un autre bâtiment, lieu d'hébergement pour formateurs ou personnes formées.

Un peu plus loin, un lieu d'hébergement pour femmes et jeunes filles.

Derrière le monument de la place centrale, 
un autre bâtiment qui héberge les hommes et les garçons.

Plaque vue au rez-de-chaussée du précédent bâtiment. 
Il rappelle bien la présence du Mouvement Emmaüs.

Vue sur la place centrale depuis le toit du lieu dhébergement des hommes.

Un peu excentré de la place, ce bâtiment est le lieu de restauration des visiteurs.

La construction de ce dernier bâtiment 
a aussi été financée par la Fondation Abbé Pierre.

Peu après mon arrivée, nous nous sommes réunis avec les employés de la ferme, majoritairement des femmes, pour faire les présentations.


Ces femmes vivent seules, ou avec leurs enfants, soit séparées de leur mari qui a migré vers une grande ville, soit elles sont veuves. Il faut savoir que le fait de ne plus vivre avec leur mari les rend vulnérables à la critique de la part de leur famille, et elles se retrouvent ainsi marginalisées.

Kudumbam les accueilles et leur permet de travailler quotidiennement à la ferme, de retrouver une statut social où elles peuvent se sentir considérées, car l'encadrement de Kudumbam leur confie des responsabilités.

Après les présentations, nous avons commencé à faire le tour de la ferme pour en découvrir les différentes activités et cultures qui y sont produites.

Ce qui est rapidement remarquable, c'est la présence en grand nombre d'arbres et d'arbustes. Lorsque les fondateurs de Kudumbam ont acheté les 15 hectares de terres où se situe la ferme, le terrain était nu et il y avait très peu d'arbre. En 30 ans, ils ont progressivement planté quelques 150 variétés d'arbres et d'arbustes. Ceci, en particulier pour développer une biodiversité abritant de nombreuses espèces d'arbres exploitables (pour leur feuilles ou, quelque fois, pour leur bois précieux) et d'animaux, prédateurs des parasites qui peuvent attaquer les parties de terres cultivées.


En commençant notre tour des parties cultivées de la ferme, on peut constater que les parcelles ne sont pas très grandes, mais variées. Or la variété des cultures est un principe fondamental mis en oeuvre et enseigné dans les formations organisées par Kudumbam. Cette diversité permet d'atteindre l'autosuffisance pour nourrir les personnes travaillant dans la ferme. Seul le surplus peut être vendu pour générer des revenus.

Une première parcelle cultivée avec du maïs.

Un peu plus loin, une parcelle potagère. Désherbage manuel en cours.

En continuant à suivre le chemin qui fait le tour de la ferme, Oswald me montre des plantes qu'ils ont fait pousser pour en utiliser les feuilles. Celles-ci ont des propriétés médicinales.

Encore un peu plus loin, l'équipe de Kudumbam me fait découvrir la production de vermi-compost. 

Tous les déchets organiques de la ferme, qu'ils viennent des plantes ou des animaux sont mis à contribution pour produire ce compost biologique. Le surplus fait parie des produits vendus par la ferme aux agriculteurs des environs.

Une partie boisée de la ferme entre deux terrains cultivés.

Un autre partie boisée d'arbustes. Leurs branches sont particulièrement adaptées pour entrer dans la composition de crayons.

Un autre terrain cultivable, actuellement en jachère. Des arbres poussent un peu partout, ce qui constitue  une méthode d'agro-foresterie, où arbres et cultures sont mélangées et se complètent, notamment pour protéger les cultures des ravageurs.

La ferme comprend aussi 13 étangs de ferme. 

Tous les étangs ont été construits pour recevoir et stocker les eaux des pluies une partie de l'année. Ils servent ainsi à arroser les cultures avoisinantes. Ces étangs ont été disséminés à différents endroits de la ferme pour arroser les cultures qui s'y trouvent à proximité. 5 d'entre eux sont remplis d'eau toute l'année.

Les petites plantes alignée au bord de l'étang sont des palmiers et des Khus.
Ils ont été placés pour contribuer à la limitation de l'érosion des sols.
Ils préservent ainsi l'étang.

Une partie importante de l'activité de la ferme est constitué d'une pépinière. La ferme commercialise ces plants auprès des agriculteurs locaux, parfois en donne à des écoles, ou à des terres partagées entre villageois.

Voici quelques images :





La ferme cultive aussi des plantes aquatiques. Elles ont des propriétés gustatives ou médicinales :



Un peu plus loin, Oswald et Ramadass me montrent les techniques qu'ils utilisent et enseignent, d'une part pour fertiliser les sols, et d'autre part pour préserver les plantes des ravageurs pouvant détruire les récoltes.

Toutes ces mixtures font l'objet de recettes issues de longues années d'expériences transmises par d'anciens agriculteurs traditionnels. Certaines plantes produites à la ferme, mélangées à des déjections d'animaux (urine de vache par exemple), composent ces recettes.



Un autre réservoir remplis d'eau tout l'année. Dans ce dernier cas, il est possible de cultiver des poissons qui serviront de nourriture pour les employés et visiteurs de la ferme.


Ailleurs dans la ferme, Oswald me montre une petite plantation de bananes.

Près de l'entrée de la ferme, une parcelle où les employés font pousser du riz.

La ferme dispose d'un large puits, qui est utilisé surtout en période de sécheresse. Le constat est que le niveau du puit baisse régulièrement décennies après décennies, révélant une baisse continue du niveau des pluies de mousson dans le Sud de l'Inde depuis les années 1980.

Le puits fait environs 10 mètres de diamètre.

La surface de la source est à environs 25 mètres dans le sou-sol.

Selon les principes d'agriculture biologiques enseignés dans l'école de la ferme, l'élevage doit faire partie intégrante d'une exploitation agricole. Les animaux élévés peuvent autant fournir du lait et de la viande ; et leurs déjections servent à la production de fertilisants ou de répulsifs naturels pour protéger les cultures des ravageurs.




La ferme dispose enfin d'un séchoir. Celui-ci sert à faire sécher des plantes et des fleurs produites dans la ferme. Ces production seront ensuite mises en sachet et commercialisées.

Il est plus intéressant d'utiliser un séchoir que de faire sécher les plantes au soleil, pour deux raisons : Avec le séchoir, la couleur des plantes est mieux préservée, de même pour leurs propriétés gustatives et médicinales.

Le séchoir est situé dans une petit bâtiment.

Il peut sécher plusieurs variétés de plantes et de fleurs simultanément. 
Le processus de séchage peut durer entre 2 et 5 heures.

Avant le séchage...

... Et après.

Les différentes variétés de plantes et de fleurs médicinales sont mises en sachet 
à la ferme pour être commercialisées.

Lorsque j'étais à la ferme, j'ai eu l'occasion de voir un agriculteur d'un village voisin venir chercher un sac de vermi-compost pour sa plantation de légumes, destinée à sa consommation familiale.

L'agriculteur tenant le sac de vermi-compost qu'il vient d'acheter.

Il repart avec le sac sur son scooter...

Conclusion de cette visite :

La ferme sert de terrain d'expérimentation et de modèle pour les fermiers du Tamil Nadu qui viennent se former aux principe de "l'agriculture naturelle" (nom donné localement pour agriculture biologique).

Les grands principes mis en oeuvre et enseignés ici sont :

- Produire d'abord pour les besoins de sa famille (Famille, c'est la signification du mot Kudumbam en langue Tamoul).

- Seuls les surplus peuvent être vendus.

- Il est nécessaire de produire une large variété de cultures. C'est le seul moyen d'avoir des récoltes tous les ans, même lors des années de sécheresses, où des pertes peuvent exister. Mais la diversité des cultures permet de toujours récolter quelque chose de suffisant pour répondre aux besoins de sa famille.

- Dans cette logique de production, très peu d'investissements financiers sont nécessaires (contrairement à l'agro-chimie industrielle qui nécessite d'abord d'emprunter de l'argent pour acheter des semences, des engrais chimiques et des pesticides tous les ans, puisque les semences sont stériles).

- Ici les semences sont d'origine traditionnelles, cela veut dire qu'elles sont reproductibles (on garde une partie de la récolte pour ressemer l'année suivante) donc pas besoin d'en racheter chaque année. 

- Il est vivement recommandé de planter des essences d'arbres et d'arbustes variés aux abords des parcelles de champs, afin de disposer d'une réserve de biodiversité qui va aider à lutter contre les ravageurs qui peuvent attaquer les cultures.

- La lutte contre les ravageurs peut se faire de deux manières : De par la présence de prédateurs des ravageurs parce que l'environnement est favorable à leur existence (biodiversité) et accessoirement par des traitements naturels à base des produits trouvés dans l'environnement local (issu des arbres, arbustes, et des élevages qui complètent une exploitation).

- Faire de l'élevage en même temps que de l'agriculture maraîchère et céréalière. Ttout ceci permet de disposer de tous les éléments nécessaires à une alimentation complète et suffisamment variée pour les familles des agriculteurs.

La ferme de Kolunji fournit des semences traditionnelles gratuitement aux agriculteurs du Tamil Nadu qui viennent se former, pour convertir progressivement leur production depuis un mode d'agriculture agro-industriel vers un mode d'agriculture naturel. La conversion est progressive et se déroute en général sur une période de 4 à 5 ans.

Certains agriculteurs du Tamil Nadu ont suivi les formations des formateurs de Kudumbam depuis 15 à 20 ans. Un suivi est assuré périodiquement pour entretenir la motivation. Cela à mené à de grandes réussites parmi les plus anciens agriculteurs reconvertis à l'agriculture naturelle. Certains sont même devenus formateurs à la ferme de Kolunji, et ils interviennent aussi dans d'autres Etats, en Inde et dans d'autres pays d'Asie.

Article rédigé par Tony Coiplet


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